novembre 1994

Les effets pervers de la dépénalisation

Inspecteur divisionnaire à Besançon, M. Erny enquête depuis une vingtaine d'années sur le milieu de la drogue.
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Quels problèmes peut poser une dépénalisation ?
Il faut s'entendre sur les termes. Certains pronent pour diverses raisons pas toujours désintéressées une évolution des législations sur l'usage des drogues. La dépénalisation signifie un usage ni interdit ni réprimé. D'autres parlent de légali-sation : l'usage ne serait plus interdit mais les activités liees à la consommation seraient organisées par la loi, par un com-merce sans restriction ou passif (monopole sans publicité) ou par une distribution controlée. Chaque nation tente de répondre à cette question dans le cadre de la convention de 1961, en votant des législations en rapport avec sa situation. L'unification des législations est utopique, aucune n'ayant fait preuve d'efficacité totale. Il me semble malsain de céder face à des expériences qui ont montré soit leur inefficacité, soit leur échec et dont l'unique postulat est la fuite en avant, l'abandon cynique. Sous prétexte de libéralisme d'une tranche de la population qui va tomber de plus en plus jeune entre les mains des revendeurs et des trafiquants. La distribution organisée ne peut se prévaloir d'aucun fondement d'efficacité économique, médicale ou sociale. Elle s'oppose à l'exercice de la liberté, les drogues étant associées à l'évidence à la misère, à la corruption et à la négation de la personne. Ne soyons pas dupes de théories fumeuses qui tentent de justifier a posteriori des situations désastreuses, telles les « scènes ouvertes de la drogue » que l'on peut voir à Zurich. L'adaptation de l'offre à la demande est trop rapide pour théoriser, les éléments et les réactions échappent souvent à toute prévision rationnelle. Et dans une optique de dépénalisation, tout interdit visant à protéger les populations fragiles, dont les mineurs, les désignerait comme cible aux revendeurs.

Même en ce qui concerne les drogues douces ?
Ce terme me hérisse en raison de l'hypocrisie qu'il véhicule. Cette terminologie date des années 50. C'est une qualification sans fondement pharmacologique ne présentant d'intérêt que pour les autruches que sont les utilisateurs ou les parents qui trouvent dans cette limite matière à se rassurer. Il n' a pas d'échelle de valeur dans les toxiques. Pour comparer, il est stupide de parler d alcool dur ou doux. Ce n'est pas le produit le plus important mais la toxicomanie qui résulte de son usage. Prenons le cannabis. Pour la législation hollandaise, tel pourcentage de cannabinol correspond a une drogue douce. Passé ce pourcentage, le cannabis devient drogue dure. Ce qui signifie qu'on accepte l'usage et la vente jusqu'à un certain seuil et qu'on applique la répression passé ce seuil. Cette distinction est inutile, hypocrite, scientifiquement fallacieuse. Elle banalise l'usage et la vente de certains produits en satanisant l'héroïne ou la cocaïne dont les effets et les toxicomanies sont plus spectaculaires. L'expérience a montre qu'il faut être plus prudent dans l'évaluation de l'usage d'un produit. Tout produit n'est ni dieu ni diable et si le cannabis est la drogue du début, l'escalade vers d'autres drogues est très souvent fonction de circonstances et n'est pas inéluctable. Le contact répeté avec des revendeurs souvent polytoxicomanes y conduit cependant facilement. Il faut se garder de tout ce qui tend à faire croire que l'usage de toxiques déstructurants pour la personnalité est inoffensif.

Est-ce qu'une dépénalisation ne permettrait pas de lutter contre la délinquance ?
Partout où il y a eu dépénalisation de fait, il a été constaté une augmentation de la toxicomanie et du trafic. Une zone de tolérance est rapidement exploitée par les trafiquants. L'offre s'adapte vite à la demande et amplifie l'extension de la toxicomanie. Force est de constater que contrairement aux idées reçues, le prix élevé de l'héroïne et de la cocaïne limite l'accès au produit. Si l'argent nécessaire a l'achat génère une délinquance importante, on constate que là où la drogue est bon marché, la criminalité augmente plus. Cela résulte plus de l'état de toxicomanie des personnes que du prix du produit. On peut en faire la démonstration avec l'alcool, produit licite bon marché accessible à tous, qui génère une criminalité dont l'importance n'est plus à démontrer. La dépénalisation ne ferait qu'ajouter des problèmes sans apporter de réponse à la demande de toxiques de notre société.
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