avril 2007

Et pourtant, elle se réchauffe

Quelle époque ! tout augmente, même la température extérieure...
Photo Laurent Cheviet
Et pourtant, elle se réchauffe

  • commentercommenter
  • envoyerenvoyer
  • imprimerimprimer
  • caractèrePLUSMOINS
Le constat
Il est connu : la planète s’est réchauffée de près de 1° en un siècle et ce n’est qu’un début. La décennie 1990 a été la plus chaude du XXe siècle. En Franche-Comté, le premier trimestre 2007 n’a pas d’équivalent depuis que l’on fait des mesures, c’est-à-dire 1880. Le constat est fait partout sur la planète, à Londres, à Tokyo ou dans les glaciers alpins : la température moyenne augmente. A Besançon : «depuis les années 60, c’est clair qu’il y a un réchauffement. A Mouthe aussi» dit Bruno Vermot-Desroches, délégué départemental de Météo France. «Sur des périodes significatives, c’est-à-dire 30 ans, le constat est net».

Les causes
Se retrancher derrière un cycle naturel de réchauffement ne sert à rien dans la mesure où l’activité humaine contribue de toute façon à le renforcer. Aujourd’hui, l’ensemble des scientifiques sont d’accord pour dire qu’elle est même la principale responsable du réchauffement en cours. «En faisant une simulation depuis 1950, si l’on se base uniquement sur les paramètres naturels comme le soleil ou l’activité volcanique, on n’arrive pas à coller avec l’évolution réelle de la température signale Bruno Vermot-Desroches. Par contre, si l’on ajoute les gaz à effet de serre produits, on arrive à s’ajuster. C’est bien l’augmentation de la concentration de CO2 qui est responsable de cette évolution».
Autre constat, les diverses recherches sur le climat passé n’ont jamais mis à jour une hausse aussi rapide. Or le principal changement récent vécu par la planète est celui de l’activité humaine. La corrélation n’est pas prouvé mais elle saute aux yeux. Enfin la hausse des températures est surtout nocturne : difficile d’accuser le soleil. Et l’on ne pourra pas dire que l’on n’a pas été prévenus puisque des chercheurs ont établi dès les années 70 les conséquences des gaz à effet de serre sur le climat. Pour résumer, leur action retient le rayonnement de chaleur qui émane de la Terre par retour d’énergie solaire et le renvoie vers la planète, induisant un chauffage additionnel de celle-ci (au lieu que ce rayonnement soit renvoyé vers l’espace).   

Les responsables
Ce sont donc les gaz à effet de serre. Il en existe des naturels, essentiels pour maintenir la planète à une température «acceptable» : vapeur d’eau, dioxyde de carbone (CO2), méthane, ozone, oxyde nitreux auxquels il faut ajouter les nuages qui jouent également ce rôle. Et il y a ceux qui sont dus à l’homme. Qui en est responsable ? Principalement la production énergétique qui s’accompagne actuellement du rejet d’environ 30 milliards de tonnes de CO2 par an. A quoi sert-elle ? A tout, manger, s’habiller, se déplacer, consommer, se divertir… «On peut lister les 4 principales causes cadre Paul-Marie Guinchard, délégué régional de l’Ademe en Franche-Comté (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) : ce qui concerne l’habitat, de loin le plus gourmand en énergie, ensuite le transport, l’industrie et l’agriculture».
A la production dénergie, il faut ajouter d’autres produits de l’activité humaine : le méthane provenant des processus de fermentation à l’abri de l’air, l’oxyde nitreux dû aux engrais et d’autres gaz liés à l’industrie.   

Les conséquences
Savez-vous qu’en termes de températures, actuellement, la Franche-Comté se déplace chaque jour de 12 m vers le sud ? Pas forcément de quoi se réjouir car ce qui est adoucissement ici à des conséquences plus fâcheuses ailleurs, notamment dans les pays du sud ou aux pôles. Restons locaux : cela signifie-t-il que Besançon va connaître dans un siècle le climat de Montélimar ? Rien n’est moins sûr. Car les précipitations sont elles aussi en augmentation, en lien direct avec le réchauffement (plus d’évaporation, etc). Depuis les années 70, la pluviométrie est en hausse de 10 % dans la capitale comtoise. «A l’échéance de 100 ans, il pourrait y avoir des saisons plus marquées avec des hivers plus doux et plus arrosés et des étés plus chauds et secs» projette Bruno Vermot-Desroches. Des canicules un été sur deux, des hivers sans neige deux fois sur trois font partie des prévisions actuelles – même s’il est pour l’instant inexact qu’il y ait moins de neige qu’avant en Franche-Comté, sur une période statistique significative. Les moyennes de températures franc-comtoises devraient augmenter de 2° en hiver et 5 en été. Pour les pôles, régions les plus sensibles, on parle de +10 °. A l’échelle de la planète, les estimations vont de +2° à +9° d’ici un siècle. Ces changements climatiques induisent évidemment des changements dans la faune et la flore et des questions sur leur adaptation. Les paysages vont changer. En Franche-Comté, qui peut dire que les résineux s’adaptent à cette nouvelle donne ? Des changements de calendrier sont à prévoir : avec 5° de plus, on fera les foins le 15 mars, les vendanges en juillet.  Sans sombrer dans le prophétisme sombre, voici selon les scientifiques quelques autres conséquences induites beaucoup plus graves : 
- nouvelles agressions en termes de santé ; émergence, réapparition et diffusion de maladies. Sans compter l’influence directe de la chaleur comme le vécu funeste de la canicule de 2003 en atteste.
- un climat plus chaud est un climat plus pluvieux, mais la répartition n’est pas uniforme et ce sont l’Amérique du nord et l’Europe du nord qui devraient recevoir davantage de pluies : le problème de l’eau, déjà préoccupant, le sera encore plus. Pénuries dans certains lieux, crues et inondations dans d’autres…
- un climat plus chaud contient plus d’énergie. Il en résulte des tempêtes de moyenne latitude et des cyclones tropicaux plus fréquents et plus violents.
- par le jeu de la fonte et de la dilatation de l’océan, élévation du niveau de la mer, en moyenne de 50 cm d’ici la fin du siècle pour les prévisions les plus basses. Mais l’incertitude concernant le comportement des glaces polaires laisse la porte ouverte à des hypothèses beaucoup plus menaçantes. Toujours est-il que l’on peut en déduire des effets sur les littoraux et des déplacements considérables de population. 
- enfin, les climatologues redoutent la catastrophe du seuil, moment où le climat n’évolue plus progressivement mais bascule brutalement, chamboulant les endroits habitables, provoquant migrations, guerres, famines, chaos…    

Les remèdes
A court terme, il n’y en a pas vraiment : ces gaz ayant une inertie d’une centaine d’années, même si on arrêtait totalement d’en produire aujourd’hui, il faudrait attendre longtemps avant de sentir une réversibilité. D’autant que l’océan, grand régulateur thermique de la planète, réagit avec plusieurs décennies de retard à l’échauffement. Ce qui signifie que les effets sur le climat des perturbations déjà causées ne se sont pas encore totalement produits ! Quoi que l’on fasse, le climat va donc continuer à s’échauffer. Mais le plus simple bon sens serait au moins de réduire leurs émissions, ce qui n’est pas nettement le cas en raison de la hausse démographique, des demandes de pays émergents et de l’accroissement des «besoins» de populations occidentales aux appareillages toujours plus nombreux (qui se souvient qu’il y a 10 ans, personne n’avait de téléphone portable ?). Rappelons un chiffre connu : 20 % de la population mondiale consomme 80 % de la production mondiale d’énergie. Si tout le monde aspire au même confort (pourquoi pas ?), la déduction est simple : il faut 4 planètes. L’attitude actuelle est un peu «réjouissons-nous pendant qu’il est trop tard». Existe-t-il une réelle prise de conscience autre que celle des scientifiques ?  Est-elle possible ? A l’échelle d’une vie et d’un individu, les changements occasionnés sont (pour l’instant) peu spectaculaires, voire imperceptibles. Des étés caniculaires, des hivers sans neige ont déjà été vécus. La fréquence des événements climatiques inhabituels n’a pas (encore) considérablement changé. Pour les habitants des pays occidentaux, principaux responsables de l’évolution, le réchauffement est même souvent vécu comme un adoucissement. Le seul regret concerne la neige…Comme le montre de façon frappante le film de David Guggenheim et Al gore “Une vérité qui dérange”, c’est la position de la grenouille placée dans une eau qui chauffe petit à petit et qui ne se rend pas compte du danger tant le changement se fait imperceptiblement.  Une prise de conscience individuelle existe cependant et des actions sont possibles autour des notions de consommer moins et mieux. Mais ce n’est pas tout : si la fabrication et la vente de 4x4 sont autorisées, pourquoi les entreprises se priveraient d’un profit immédiat ? Quant au point de vue de l’acheteur, c’est celui de la goutte d’eau ou de la bulle. A sa petite échelle, il considère sans doute son «apport» négligeable et ne voit pas pourquoi lui plutôt que son voisin devrait renoncer à son confort. Aucun autre domaine ne donnera aussi clairement et fortement exemple de cet intérêt général qui dépasse tous les intérêts particuliers. Interdire les niveaux d’émission trop élevé et les objets trop gourmands, imposer des constructions au haut niveau de performance énergétique et les énergies renouvelables, taxer les transports, etc : les solutions sont possibles.
«Il va s’opérer des changements d’habitudes pense Paul-Marie Guinchard. Les générations suivantes connaîtront certainement par exemple des quotas individuels de voyages en avion».
Dans cette situation-là, celle d’un intérêt général allant à l’encontre des intérêts particuliers, les décisions ne peuvent  être que politique. Ou ne pas être. 

Stéphane Paris
Retour

Commentaires

Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.

Se connecter S'inscrire

articles

express

Le problème eau en chiffres


juillet 2023
23% du territoire français métropolitain est couvert par des zones humides, soit 13 millions d’hectares. On estime que ce chiffre a été divisé par 2 au cours du siècle dernier.

Selon l’UICN, en France métropolitaine, 24% des reptiles, 23% des amphibiens, 32% des oiseaux nicheurs, 19% des poissons d’eau douces et 28% des crustacés d’eau douce sont menacés d’extinction sur le territoire.

5 milliards de personnes dans le monde seront soumises, au moins une fois par an, à une pénurie d’eau d’ici 2050 selon un rapport de l’ONU. Aujourd’hui, 10 % de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique atteint un niveau élevé ou critique. Deux miliards de personnes boivent de l’eau contaminée.

Chaque été, près de 14 000 tonnes de crème solaire sont rejetées dans les fonds marins du monde entier.

Une cinquantaine de départements sont menacés de manquer d’eau cet été et la situation pourrait être pire qu’en 2022 selon le Bureau de Recherche Géologique Minière (BRGM), organisme public chargé de surveiller le niveau des nappes. Une carte de la situation au 1er avril 2023 met en avant qu’aucune nappe n’a un niveau au-dessus de la moyenne et 75% d’entre elles ont un niveau allant de modérément bas à très bas.

Empreinte eau


juillet 2023
A l'image de l'empreinte carbone, l'empreinte eau de chacun peut se calculer. Cet article de la RTBF explique comment, tandis qu'une méthode de calcul est applicable ici. Le Water footprint network donne des éléments pour comprendre l'utilisation et la pollution de l'eau selon les aliments.

Des améliorations quand même


juillet 2023
De nombreuses stations d’épuration ne sont pas encore suffisamment efficaces et doivent être réhabilitées pour améliorer l’assainissement des eaux usées. La pollution domestique a déjà connu une forte baisse depuis 25 ans grâce à l’installation de stations performantes.
Les opérations collectives effectuées avec les industriels ayant pour objectif de réduire la pollution toxique dispersée ont divisé le niveau de contamination par les métaux (chrome, nickel, zinc…) par 6 depuis 10 ans.

Mégabassines


juillet 2023
La controverse autour des mégabassines ne concerne pas la région, pour l’instant. Mais il faut savoir que ces immenses réservoirs destinés à l’industrie agroalimentaire ne sont pas seulement alimentés par l’eau de pluie, elles nécessitent des opérations de pompage des cours d’eau ou des nappes phréatiques qui peinent déjà à se reconstituer. Selon le CNRS, le stockage artificiel en surface est très différent du stockage naturel dans le sol, avec des zones humides fonctionnant comme des éponges : les pertes par évaporation sont estimées entre 20 et 60 % de la totalité.

Eaux : que peuvent les particuliers ?


juillet 2023
Respecter les milieux humides, bannir herbicides et pesticides du jardinage, utilisez des produits biodégradables pour le ménage et la lessive, économiser l’eau. Il est également possible de contribuer à l’observation des cours d’eau pour aider les scientifiques, en reportant les données sur enquetedeau.eaufrance.fr (un tutoriel est disponible sur le site).
Voir tout