novembre 2008

Bio : de la demande et pas assez d’offre

Le marché est pour l’instant porteur mais ne suffit pas à stimuler la production.
Photo Laurent Cheviet

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Le guide “J’achète bio en Franche-Comté” réalisé cette année par l’association Interbio recense 150 adresses. Quelques magasins et beaucoup de producteurs. Le nombre d’exploitations certifiées dans la région atteint, lui 324. Mais cela ne suffit pas. Portée par la vague des inquiétudes due aux maladies ayant affecté l’agriculture ces dernières années (type vache folle), du besoin de savoir ce qu’il y a réellement dans notre assiette ou encore du souci lié à l’environnement et à la santé, la demande augmente constamment. “10 % par an en ce moment” indique Séverine Perru, d’Interbio. Même si cette demande démarre de bas, l’augmentation est exponentielle, ce qui induit un développement rapide. D’après un sondage publié par Santé magazine, une personne sur deux se dit prête à payer un supplément de prix pour des produits qui présenteraient des garanties éthiques ou écologiques. Certes, seules 5 % d’entre elles le font tous les jours. Mais c’est peut-être justement un indicateur qu’il existe un réel potentiel de développement.
Certaines grandes surfaces en prennent conscience et revoient leur rayonnage bio. Magali Hournon, responsable du secteur à Super U Besançon estime même qu’il y a eu un vrai virage cette année. “Il y a actuellement une très forte demande qui s’accentue depuis quelques mois. C’est peut-être tendance, mais on est obligé d’en tenir compte. Dès que l’on fait une promo sur un produit bio, le résultat est impressionnant. On voit aussi de plus en plus de distributeurs mettre en place leur propre gamme bio. Ils ne le font pas pour le plaisir mais parce qu’il y a une demande de la clientèle”. Elle-même s’apprête à suivre la démarche de son collègue de St-Vit qui met en valeur depuis 6 mois un rayon bio significatif. “Quand on discute avec les clients, ils nous le disent. Pour eux, c’est un gage de sécurité alimentaire, ce sont de meilleurs produits. Le bio véhicule un très gros capital confiance”. Indiqué par le désormais célèbre logo AB, certifié par un organisme indépendant.

   Bio importé

Problème, la demande n’est actuellement pas compensée par l’offre. En Franche-Comté, il faut importer pour y répondre, “à plus de 50 %” selon Interbio. “C’est du bio qui fait du kilomètre. On est aussi là pour développer le bio local. Manger bio c’est bien, manger bio local c’est encore mieux”. Certains producteurs de “paniers bio” ne peuvent plus accepter d’abonnés. “La production est au mieux en stagnation, voire en baisse depuis plusieurs années reprend Séverine Perru. C’est un phénomène national depuis 2003”.
Première raison, des aides moins incitatives qu’auparavant. Elles existent pourtant : aide sur la certification, aide du programme régional d’installation de la Région Franche-Comté (qui n’est pas réservée au bio), crédit d’impôt ; et certaines devraient être rehaussées. Second problème, la certification. Dans le cas d’une conversion, il faut au minimum deux ans avant qu’elle puisse être accordée, le temps que la terre ait évacué les résidus de pesticides. Ce n’est pas le seul frein selon Jean-Louis Guillaume, président d’une coopérative de fabrication de comté bio. Présent au marché bio de Besançon dans le cadre d’un débat sur “produire en bio aujourd’hui”, il signale “qu’il faut respecter un cahier des charges précis voire pointilleux. Quand il s’agit du lait, la différence entre conventionnel et bio n’est pas très importante mais quand c’est du porc, il s’agit de deux métiers spécifiques”. Guy Bailly, lui, est le seul apiculteur bio de la région : “certains ont renoncé quand ils ont vu le cahier des charges. Mais c’est le prix pour que le bio reste crédible”.

   Remise en cause

Un troisième obstacle est d’ordre psychologique selon Jean-Charles Maire, viticulteur dans le Jura : “il faut faire la démarche dans sa tête et vraiment vouloir devenir bio. Il y a aussi une difficulté pour quelqu’un de se dire “finalement, cela fait des années que je ne travaille pas bien”, car c’est implicite dans le cas d’une conversion. C’est une sacrée remise en cause”.    Enfin, sans pour autant être exhaustif, il y a l’idée que le bio ne marche pas. “Dans l’esprit des agriculteurs, le bio ne se vend pas alors que tous les opérateurs (transformateurs et distributeurs) cherchent des produits. Mais il nous manque par exemple 15 % de lait aujourd’hui” dit-on à Interbio. Pourtant, il y a de la marge : l’Autriche, premier pays en certification AB en Europe, en est aujourd’hui à 16 % de sa surface agricole. La France est à 2 %. Avec des divergences, cependant. La viticulture est par exemple un secteur qui se développe. Le bio atteint 10 % des surfaces dans le Jura. La Franche-Comté est pourvue en lait et en viande mais manque de céréales ou de cultures maraîchères. Actuellement, la restauration collective se met au bio et l’on voit de plus en plus de marchés, foires, salons bio. Est-ce une tendance passagère ? Est-ce que les problèmes de pouvoir d’achat ne vont pas d’abord toucher un marché sur lequel les produits sont plus chers ? “Ce surcoût dépend aussi du mode d’achat et de consommation signale au passage Séverine Perru. Il revient par exemple moins cher d’acheter chez un producteur en direct. Ou encore chez un commerçant mais en vrac, ce qui réduit le coût de l’emballage. Et si on achète des tomates en hiver, c’est sûr que c’est plus cher”.
“Aujourd’hui, il y a un marché bio et ce n’était pas le cas il y a 10 ans
constate Jean-Charles Maire. Le pouvoir de développement le plus important, ce sont les consommateurs qui l’ont”

Stéphane Paris
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