octobre 2018

Je suis mannequin

A 20 ans, Jérémy Bellet a déjà plusieurs années d'expérience dans un milieu controversé : "un milieu magnifique, mais il faut garder conscience que tout y est fictif".

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Il y a un an et demi, nous avions rencontré Alain Richard, un jeune lédonien qui rêve de devenir styliste. Alors en terminale, il espérait intégrer la prestigieuse Ecole de la chambre syndicale de la couture parisienne, ce qu’il a réussi. Aujourd’hui, il poursuit son chemin dans le monde de la couture et c’est par l’intermédiaire d’un jeune mannequin et comédien de 20 ans, Jérémy Bellet que l’on entend à nouveau parler de lui. C’est l’occasion d’évoquer un monde qui fascine en même temps qu’il suscite les polémiques autour de notions telles que sexisme, superficialité, miroir déformant, construction culturelle d'une esthétique et de la beauté aux effets néfastes. Jérémy Bellet en parle avec franchise.

Comment as-tu rencontré Alain Richard ?
Il s’est présenté lors de la fashion week haut couture printemps été 2018 où je m’apprêtais à défiler. Il m’a dit qu’il était un jeune styliste et qu’il suivait mes prestations. Je suis allé voir sa page pour me renseigner sur son travail et j’ai eu envie de la mettre en avant. Alors j’ai décidé de porter une de ses créations pour un défilé Eric Stipa que je fais en octobre à Tours. Beaucoup de professionnels m’ont contacté mais j’ai répondu que je privilégiais Alain Richard. C’est un défilé sponsorisé par de grandes marques. Je trouvais bien d’aider un jeune styliste à se lancer en lui donnant une visibilité.

C’est son travail qui t’a interpellé ?
Je suis curieux. J’ai demandé à mon équipe de se renseigner et j’ai apprécié le travail qu’ils m’ont montré. Mais c’est surtout sa persévérance que je retiens. On est tous les 2 jeunes, dans un milieu pas évident où je suis arrivé à 15 ans. Il fait preuve de volonté, il s’assume. Par exemple, j’ai vu qu’il met parfois des talons, qu’il fait défiler avec. Il essaie de se différencier. Tout ça m’a parlé. Je me définis comme mannequin androgyne, j’ai les mensurations d’un mannequin féminin. En le rencontrant, je me suis dit "c’est moi si j’étais couturier". Alors j’ai envie de l’aider à réussir son projet. Beaucoup veulent devenir styliste mais ce n’est pas donné à tout le monde. De ce point de vue, je suis admiratif parce qu’il n’a pas été tellement aidé. Et il casse les codes.

Comment es-tu arrivé dans ce milieu ?
C’est la nouvelle ère du mannequinat qui a permis que j’y trouve une place. Aujourd’hui, les stylistes passent outre le grand blond d’1 m 90. C’est ce qui fait que j’ai pu m’en sortir. Il y avait une trame établie, mais je ne l’avais pas prévu ! Je fais 1 m 72, je n’entre pas dans les critères. Au final ça marche, l’an prochain je serai au festival de Cannes. Mais je ne me limite pas aux grands couturiers.

Etait-ce une vocation ?
Depuis que je suis tout jeune, j’adorais ce milieu de paillettes mais il me paraissait inaccessible. Comme je n’ai pas la taille, je suis passé par la musique, j’ai contacté JB Bullet et on a fait ensemble une chanson sur la protection des animaux, "Junior". De fil en aiguille, j’ai commencé à être connu, des jet-setters sont tombés sur mon nom, m’ont pris en charge. J’ai fait des soirées parisiennes, des événements de la mode et petit à petit j’ai étoffé mon carnet d’adresses. Mais je pense que je me suis démarqué par mon style androgyne. C’est ce qui a fait la différence. Au départ, je suis arrivé là un peu par hasard, sans passer par une école, mais ensuite je me suis lancé à fond. Aujourd’hui, j’ai une équipe et un manager.

Ce monde fascine beaucoup de jeunes mais prête à de nombreuses polémiques. Maintenant que tu y es, aurais-tu des conseils à donner ?
Je n’encouragerais les jeunes qu’à une condition : être très bien entouré. Cette question n’est pas évidente car ce milieu n’est pas facile et il faut savoir à qui faire confiance. D’un autre côté, si c’est un rêve, j’aurais plutôt tendance à l’encourager car on n’a qu’une vie. Moi, si j’avais écouté les rumeurs, je ne serais pas là, je ne serais pas au festival de Cannes. Alors je ne veux pas cracher dans la soupe. Même s’il est entaché par certains abus, c’est un milieu magnifique quand on garde conscience qu’il faut faire attention et que tout y est fictif. C’est un monde de rêve, mais il ne faut pas tout accepter, ne pas faire la fête tout le temps. Personnellement, je m’implique dans le caritatif en participant à des actions du Secours populaire. C’est une façon d’utiliser ce milieu factice pour faire des actions utiles, en me servant de mon carnet d’adresses. Mais s’il fallait recommencer, je ne changerais rien. J’ai des opportunités énormes, je fais de belles rencontres.

Quelles qualités faut-il ?
C’est un monde de relationnel avant tout. Ensuite, je pense qu’il faut être polyvalent, savoir s’adapter pour être capable de défiler, monter sur un podium, répondre aux interviews, faire des shootings, être figurant, jouer dans des spots de pub. Personnellement, j’ai aussi fait du théâtre, ce qui me sert pour passer devant un appareil photo ou sur un tournage.

C’est un métier éphémère. Y penses-tu ?
Oui, il faut l’avoir en tête, prévoir la suite. J’ai fait un BTS communication pour ça. J’aimerais continuer dans le milieu mais en passant de l’autre côté, celui de l’organisation, de l’événementiel.

Il y a également des polémiques sur les normes esthétiques et sur le physique des mannequins.
Ce n’est pas une contrainte mais un choix de la part des mannequins qui sont des personnes qui ont fait des études, qui ne sont pas illettrées… Moi, je fais attention à ce que je mange parce que je le décide. Si c’était une contrainte, je ferais un autre métier. Cela fait polémique parce que ces métiers font rêver, ils ont valeur d’exemple. C’est vrai qu’il y a eu des exagérations mais il y a une loi qui est passée (1). Par ailleurs, ce sont les grands stylistes qui inspirent les "règles" et les critères sont en train de bouger. On voit de plus en plus de stylistes qui prennent des mannequins avec des formes. La mode change.

On peut aussi pointer le côté très parisien du métier.
C’est quand même ouvert aux autres. Mais c’est vrai, on ne va pas se le cacher. Ce monde reste très parisien et très Côte d’Azur. Je dirais que 90 % des événements sont à Paris. Mais on peut venir de la province, comme moi qui suis de Tours.

Y a-t-il une forte concurrence entre mannequins ?
Oui. C’est concurrentiel, c'est pour ça qu’il faut du relationnel. Mais j’arrive à bosser. En même temps, je ne fais de l’ombre à personne car j’ai un style à part.

Recueilli par Stéphane Paris



(1)
En 2017, une "loi mannequin" a été adoptée. Elle stipule notamment  que  les mannequins doivent fournir un certificat médical pour exercer leur activité. Les textes publiés l’an dernier étaient destinés à "prévenir les troubles du comportement alimentaire", notamment chez les jeunes.

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