novembre 2001

Alcool, tabac : les ravages de la drogue

En France la cigarette fait 50000 morts par an ; les vins et spiritueux 60000. La cocaïne ? 10.
Dessin Christian Maucler

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En France, la drogue tue : alcool et tabac réunis sont la cause directe ou indirecte de 110 000 morts par an. Les substances comme la cocaïne ou l'héroïne : environ 150 décès. Associer alcool et tabac aux stupéfiants ? Une idée encore mal admise, ne serait-ce qu'en raison du risque de banalisation de ces derniers. Mais même s'il ne s'agit que d'une question de dénomination, les faits restent têtus : dans ce cas, il faut écrire que l'alcool et le tabac tuent beaucoup plus que la drogue. Question de dénomination, pas de définition. Depuis longtemps, les données scientifiques permettent d'associer ces différents produits. Alcool et tabac comme héroïne, cocaïne ou cannabis sont des substances psychoactives qui modifient l'activité mentale, les sensations, le comportement et provoquent des effets somatiques divers selon les propriétés de chacune. Et contiennent en germes deux risques : la dépendance et le décès à plus ou moins long terme. Une exception cependant : le cannabis ne pose pas de problème sanitaire majeur et n'a, à ce jour, jamais entraîné la mort. Il y a un risque d'escalade mais beaucoup moins fréquent qu'on ne le croit : par exemple, la publication Drogues, savoir plus, risquer moins note que « le nombre d'individus interpellés pour usage d'héroïne après une arrestation pour usage de cannabis ne représente qu'environ 7 % des usagers ».
Bon, l'alcool : 2 millions de personnes dépendantes, la mort lente (plus de 20000 décès directs par an, en particulier par cancers des voies aéro-digestives supérieures et par cirrhose), la mort rapide et violente (l'alcool est en cause dans un tiers des accidents de la route, 1/5e des accidents domestiques, une proportion importante d'homicides et des accidents cardiaques).
Tabac ? Tout le monde le sait, le cancer du poumon demeure la première cause de mortalité par cancer (22000 nouveaux cas par an). La cigarette est aussi la porte ouverte aux cancers des bronches, des poumons, des cavités buccales, de l'oesophage, de la vessie, du col de l'utérus et de l'estomac. Ne minimisons pas les autres substances : outre les surdoses (environ 10 par an pour la cocaïne, 150 pour l'héroïne dont un tiers en association avec d'autres produits), risque de contamination par le Sida ou par l'hépatite C (60 % des toxicomanes) pour les toxicomanes utilisateurs de la voie intraveineuse. Dans l'opinion publique, se pose cependant la question de la perception des risques. Ils peuvent paraître plus immédiats s'agissant d'overdose que des lointaines conséquences de la consommation d'alcool et de tabac, bien que les accidents de la route viennent contredire cette image. Mais ces derniers sont des risques indirects, donc évitables, réservés aux voisins, pas nécessaires...

Changement de classification

Malgré ces données connues depuis longtemps, les pouvoirs publics n'ont suivi le chemin des scientifiques que très récemment. Il a même fallu attendre 1999 pour que la MILDT (mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) incluse tabac et alcool, ainsi que médicaments, dans sa politique de lutte contre la toxicomanie. Auparavant, un rapport officiel de Bernard Roques, directeur d'une unité de recherche de l'Inserm-CNRS avait fait date : il classait pour la première fois les drogues non en fonction de leur statut légal mais de leur caractère dangereux : dans le groupe le plus toxique, l'héroïne, la cocaïne et l'alcool, dans le second les psychostimulants, le tabac, les hallucinogènes et les tranquillisants, le cannabis se retrouvant dans le troisième, « en retrait ». Au passage, un paradoxe : parmi les freins à la dépénalisation, est parfois évoqué le risque selon lequel mettre légalement la consommation de certaines drogues sur le même plan que celle d'alcool ou de tabac reviendrait à la banaliser. Selon ce raisonnement, c'est moins le caractère toxique des produits qui fait peur que le risque de les voir suivre le chemin des produits légaux. C'est logiquement admettre la nocivité de ces derniers.

Question culturelle et économique

En 1994, le Comité nationale d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé avait déjà admis que la distinction entre les drogues licites et illicites « ne reposait sur aucune base scientifique cohérente ». Mais cette distinction demeure et entre certainement pour beaucoup dans la perception générale des drogues par l'opinion publique. Question essentiellement culturelle, et historique. Se droguer est une expression qui fait souvent peur. Boire fait souvent rire. Se droguer est une tare, boire une vertu ; limite fierté. Des expressions telles que tenir l'alcool, « s'enquiller » tant de verres, rouler sous la table, boire comme un trou provoquent plutôt la gaudriole que la peine. Dans ce contexte la légalité et l'illégalité rendent difficile l'association des produits. D'autant que la question culturelle est depuis longtemps devenue question économique, avec des lobbys puissants et certains paradoxes comme voir des sportifs de haut niveau, censés représenter la bonne santé, véhiculer des publicités pour le tabac ! Deux chiffres suffisent à comprendre pourquoi la problématique santé n'est pas une préoccupation majeure : les dépenses annuelles des ménages français sont de l'ordre de 93 milliards de francs pour les boissons alcoolisées (et ce, sans compter les dépenses effectuées dans les cafés, hôtels et restaurants !) et de 80 milliards pour le tabac.

Stéphane Paris
Définition
La toxicomanie est un état d'intoxication , dû à une prise répétée de substances plus ou moins toxiques, aux effets secondaires plus ou moins graves, mais envers lesquelles il y a dépendance psychique ou physique.

Drogues, savoir plus, risquer moins
Cette publication synthétique, très bien agencée et vulgarisée est  cosignée de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et du Comité français d'éducation pour la santé : sans moraliser et en donnant nombre de chiffres, statistiques, précisions techniques, elle fait le point sur les différentes pratiques addictives et surtout sur les produits, de la cocaïne au tabac en passant par l'ecstasy et les médicaments. D'emblée, elle introduit une distinction plus importante que celle des catégories de produits : celle de comportement, hiérarchisant et définissant les notions d'usage, d'usage nocif et dépendance. Un livre très pratique qui s'adresse particulièrement aux jeunes.

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