février 1999

Anne Caron : « La loi a le mérite de montrer le problème »

Entretien avec une magistrate bisontine qui s'intéresse de près aux problèmes du dopage.
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Une nouvelle loi sur le dopage doit être votrée début mars. Qu'en pensez-vous ?
La loi Bambuck avait déjà l'axe essentiel de la prévention et la répression des trafics, considérant le sportif comme une victime. C'est encore le cas dans la nouvelle loi, mais la différence, à mon sens, c'est que le ministère de la Jeunesse et des Sports, qui était au centre de la loi Bambuck, n'est plus au centre de la loi nouvelle. Ce qui me paraît poser question parce que le pouvoir de sanction est renvoyé aux fédérations, chacune étant indépendante l'une de l'autre. C'était déjà le cas avant, mais si les fédérations ne remplissaient pas leur devoir de sanction disciplinaire, il y avait la possibilité pour le ministère d'intervenir aussi directement et ce n'est plus le cas. La nouvelle loi a l'air de dire que le problème des sanctions disciplinaires est un problème sportif qui doit retourner au sportif. C'est vrai, mais c'est aussi un problème de santé publique. Il y a aussi une vraie avancée, la création d'un carnet de santé avec un suivi médical. Même si on ne peut pas aller très loin dans le suivi individualisé car il faudrait lister un certain nombre de renseignements ce qui se heurte à «informatique et liberté». La loi comporte des sanctions disciplinaires mais aussi des sanctions pénales essentiellement destinées aux trafiquants. La difficulté, c'est que très peu d'affaires vont sur le terrain pénal, le procureur de la République est très peu saisi. Je ne suis pas pour tout judiciariser mais pour les trafiquants il faut quand même une sanction qui ne soit pas seulement administrative et disciplinaire. Et puis on arrive à un système où le sportif utilise pour se défendre des arguments de procédure afin de retarder la prise de la sanction. Attention, il est tout à fait normal qu'ils se défendent. Mais les arguties de procédures deviennent des possibilités pour décaler la sanction dans le temps et permettre à la carrière de se poursuivre. J'ajoute qu'il faut souligner que la France reste un des rares pays à voter des textes de loi sur le dopage. Ils ont au moins le mérite de poser le problème, de montrer les risques car on n'a pas le droit de ne pas dire «attention» aux jeunes qui pratiquent le sport. Il est indispensable d'expliquer, de montrer les dangers.

Il y a également le problème d'une loi nationale alors que le monde du sport est international.
Il est bien évident que si la France a un arsenal législatif assez structuré et précis mais qu'il y a des difficultés au niveau du CIO et des fédérations internationales, est-ce que franchement on acceptera de laver plus blanc là où finalement tout le monde fait n'importe quoi ? C'est un problème international d'autant qu'on se retrouve dans un système financier assez considérable. Et ça dépasse la France parce que les sportifs français vont aussi s'entraîner à l'étranger. Par ailleurs, il n'y a pas de certitudes scientifiques sur les produits et je trouve que c'est déroutant. Car la loi repose sur des produits définis par les scientifiques sur lesquels pèsent des incertitudes. Tout le problème revient là : la liste des produits n'est pas claire.

Il avait été question de demander aux médecins de dénoncer les pratiques. Qu'en pensez-vous ?
Le problème, c'est que le dopage organisé suppose un suivi médical important qui n'est pas possible sans une certaine connaissance des médecins. Or comment demander aux médecins qui participent d'aller révéler des faits de dopage alors qu'ils sont eux-mêmes partie intégrante ? Parce que, au-delà de l'aspect moral, le problème est celui des risques extrêmement importants pour la santé, du fait d'embarquer des jeunes dans des pratiques dont l'issue se définit en termes d'incapacités graves voire de décès. La législation vise à interdire le détournement de produits destinés à soigner des personnes malades à des fins d'amélioration des performances. Il est important de mettre le médecin au centre parce qu'il est là pour soigner, pas pour améliorer les performances. Administrer des produits faits pour soigner des gens malades à des sportifs en bonne santé, il ne me semble pas que ça entre dans le serment du médecin. Mais le médecin n'est pas le seul. Il ne faut pas exagérer, dire par exemple que l'entraîneur est responsable d'un secteur et ne sait pas ce qui se passe sur le plan médical. Et s'il est normal de faire du sportif une victime, je ne comprends pas très bien comment certains peuvent prétendre qu'ils ne savent pas ce qui se passe. Alors que la plupart des médicaments sont administrés par injection !

Recueilli par S.P.





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