janvier 1996

Aspects de la vie entre quatre murs

La prison peut-elle rester la solution unique à des situations très différentes ?
Photo S.P.

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« La prison est inimaginable pour qui n'en a pas fait ». Cette opinion, partagée par de nombreuses personnes travaillant dans et autour des centres de détention reflète les conditions psychologiques créées par l'incarcéfation. Quelles que soient les conditions matérielles, il reste l'enfermement, la succession monotone des jours qui abolit le temps, l'infâmie née de la mise au ban. Un lieu de séparation du corps social dont ce dernier ne veut pas entendre parler. Rares sont les personnes qui y ont accès, encore moins celles qui veulent s'en occuper. « La prison, c'est une expérience limite, même si l'être humain s'adapte à tout » souligne Jean Cachot, aumônier qui visite depuis 20 ans la maison d'arrêt de Besançon. « Quelqu'un qui a fait de la prison porte une estampille qui diminue d'autant ses chances de réinsertion. Et il y a un effet de déresponsabilisation. Une routine, une tendance à se laisser porter par la logique carcérale. Même les activités proposées ont du mal à contrebalancer cet aspect déshumanisant ».
En France, les conditions matérielles ont évolué ces dernières années, l'occupation du temps s'est diversifiée. Un symbole, la télévision dans les cellules. « Elle remplit le vide pense Jean Cachot. Ce n'est pas un luxe mais un droit. Ceux qui disent, à cause de ça, que la prison est devenue un hôtel quatre étoiles n'ont qu'à venir y vivre! » Malgré tout, les disparités sont encore importantes sur le plan des conditions de vie. Même si les prisons françaises n'ont rien à voir avec ce qui se passe ailleurs, comme l'admet Bernard Bolze, fondateur de l'OIP (Observatoire international des prisons) : « Si je compare à ce que j'ai vu au Cameroun ou en Roumanie, c'est le jour et la nuit. Si on ne regarde pas à ta lumière des pires dictatures ou des pires Etats pauvres, mais à la lumière de ce qui est simplement le bon sens, il est évident que le maintien des liens familiaux, l'accès à la santé, toutes ces choses-là son extrêmement difficiles à maintenir. En France, 500 personnes sont en permanence à l'isolement. Il y a le SIDA : des personnes qui vont mourir en prison, pour qui rien n'est fait pour alléger les souffrances et qui ne gêneraient personne ailleurs qu'entre les quatre murs d'une cellule.» Pourtant « tout le monde est favorable à l'amélioration des conditions de détention, le personnel pénitentiaire en priorité » rappelle Claude Giraud, directeur de la maison d'arrêt à Besançon.

Pas une prison identique

« Il n'y a pas une prison en France où la situation est identique ajoute Patrick Marest, permanent de la section fançaise de l'OIP. Là, on va avoir un directeur de prison extrêmement progressiste, ailleurs quelqu'un d'extrêmement réactionnaire. Là, une politique socio-culturelle et là, rien. Là, une surpopulation, ici, non. Là, un accès, au travers de la loi de 89, aux préservatifs, ici non. Là, des parloirs qui fonctionnent bien, ici, non. Donc il y a encore des choses à faire en France.»
En prison, les détenus ont encore des droits mais peu de recours pour les faire appliquer. Cet aspect dépend beaucoup de la personnalité du directeur. «Le vice de l'institution carcérale, c'est qu'il n'y a pas de contre-pouvoir institué admet Jean Cachot. Ça peut entraîner des dérives graves. Tout repose trop sur une personne.»
Selon Bernard Bolze, « les prisonniers «ordinaires» sont les derniers des derniers auxquels on s'intéresse. Or n'importe lequel devrait avoir des droits : qu'on le soigne, qu'on favorise le maintien des liens familiaux, l'accès à la formation et à la culture, qu'on lui donne un travail, un salaire décent... Des choses pas forcément coûteuses. Quand on voit un monsieur dans un fauteuil roulant faire 800 km pour visiter son fils dans une prison de la région parisienne et qu'on lui dit «monsieur il faut une autorisation spéciale pour rentrer avec un fauteuil roulant» et que le type repart... ! C'est à pleurer, mais c'est de notre quotidien. »

Réceptacle de la misère

Des raisons pour lesquelles on parle de plus en plus des alternatives, notamment pour les actes non criminels. L'OIP fait partie des organismes qui militent pour cette évolution. « En France il faut un vrai travail de l'opinion publique un peu comme ça s'est passé pour la peine de mort. On ne passera pas par un décret ou une loi abolissant la prison. On passera sans doute concrètement par le fait que tel ou tel délit n'aboutira plus à la prison ou alors il y aura des dépénalisations. Il y a une foultitude d'alternatives. La plupart reviennent moins cher que les prisons. La médiation, la transaction par exemple.» D'autres possibilités existent : placement extérieur, semi-liberté... Avec un avantage, la chance de tomber moins facilement dans un engrenage, rappelé par Bernard Bolze. « La prison contribue à déstabiliser. Le détenu peut perdre son boulot, voit se défaire ses liens familiaux et quand il sort, il est d'autant plus enclin à recommencer qu'il est fait comme un rat. Et on continue d'envoyer en prison les plus pauvres. Pour une durée moyenne de 7,3 mois, ce qui veut dire que tout le monde n'a pas tué père et mère ». Prison « réceptacle de la misère » selon Jean Cachot. Or les statistiques sont cruelles vu le pactole soustrait chaque année à la collectivité par la fraude fiscale, délinquance en col blanc : en 1991, 138 milliards de francs selon le CESDIP (Centre de recherches socio-logiques sur les droits et les institutions pénales) soit l'équivalent du déficit budgétaire de la France. Nombre de plaintes, 750. Condamnations : 510 dont 40 de prison ferme. La délinquance la plus souvent stigmatisée (vols, vols de véhicules et hold-ups) atteignait, elle, 10 milliards.

Stéphane Paris
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