décembre 2025

Compagnie Bacchus, 40 ans de scène

Retour sur une aventure née à Besançon avec Jean Pétrement, créateur et directeur de la troupe.
Photo Compagnie Bacchus

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Que représente Bacchus aujourd’hui ?
On est présent à Vesoul, Besançon, Paris. On a 9 spectacles dans le répertoire. C’est énorme, on a trop créé ! Quatre personnes s’occupent de la partie administrative et technique et une dizaine de comédiens participent aux spectacles. A côté de ça, on fait des stages de théâtre enfants et ados, de la formation professionnelle, par exemple avec l’IRTS à Besançon, on intervient auprès d’internes de la fac de médecine sur un module d’expression autour de la communication des docteurs aux patients. Ce n’est pas évident, mais ça donne l’impression de servir à quelque chose.

Comment est née la compagnie Bacchus ?
Ça fait 40 ans, c’est dingue ! Au départ, j’ai été formé par Denis Llorca au centre dramatique national de Besançon. On était une quinzaine de jeunes à participer à des spectacles sous sa coupe. Une aventure incroyable ! Un jour, il a décidé de créer une compagnie professionnelle, sans salle, sans moyen, sans aide de la Ville. Il m’a dit, je te donne les clés, je vais t’aider ! J’étais fou de théâtre, le fait que Llorca me mette à l’étrier comme ça, c’était incroyable. Si je compare avec les jeunes qui se lancent aujourd’hui, je suis né au théâtre dans le satin !

Il y a eu beaucoup d’évolutions en 40 ans ?
Dès le début, on a eu du succès, on a tout de suite tourné à Paris, à l’étranger. Mais à un moment à Paris, je me suis demandé ce que je faisais là. J’ai tout arrêté, je suis revenu à Besançon. J’ai repris le Lux, une salle de Palente qui était libre. François Pinard est venu me voir pour me proposer de s’associer et faire des concerts. Le premier, c’était les Cramps. Je ne savais pas trop ce que c’était, ils sont venus et ils ont tout cassé ! On a fait quelques autres concerts mais j’ai vite arrêté. J’avais envie de théâtre, de costumes, d’éducation populaire. Quand  j’ai appris que la salle du 6 rue de la Vieille Monnaie se libérait, j’ai proposé mon projet et on y est resté de 1988 à 2013. Il y a eu tout de suite beaucoup de diffusion, de stages, d’ateliers. Ça a été une belle aventure, marquée par des moments importants comme les rencontres européennes de théâtre en 1997, la reprise et la réfection de la chapelle rue de la Vieille Monnaie, mais aussi des problèmes financiers et des aides publiques en baisse à partir de la crise de 2008. En 2012, j’en ai eu marre, et on est parti en 2013. Mais on a continué à tourner en France, en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique, notamment avec le spectacle Proudhon modèle Courbet. En 2019, à Avignon, le maire de Vesoul, Alain Chrétien est venu me voir. La Ville venait de refaire le théâtre Villon et voulait une troupe professionnelle. Au départ, j’ai dit non, puis j’ai réfléchi à ce bel outil de 300 places et à l’idée d’avoir de nouveau un lieu de résidence, de diffusion, de création. 

Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?
Le plus marquant, c’est sans doute Proudhon modèle Courbet qu’on a joué au musée d’Orsay. C’était une consécration de savoir que la conservatrice voulait cette pièce ! Ensuite, il y a La Dernière Bande de Beckett, jouée dans un théâtre de la 5e avenue, à New York, devant un parterre de personnalités ! François Noudelmann, directeur de la Maison française à l’Université de New York avait entendu parler de la pièce et m’a demandé de venir dans le cadre d’un hommage à Tom Bishop, un grand ami de Beckett. C’est le genre de chose qu’on ne vit qu’une fois ! Et puis il y a aussi la mise en scène de Don Quichotte ou encore le festival d’Avignon où on est allé 25 fois.

Et les moins bons moments ?
Le grand regret, c’est le rendez-vous raté avec Besançon. On n’a jamais vraiment été reconnus ici et ça ne se rattrapera jamais. Pourtant c’est la ville de Proudhon, des utopistes, c’est un lieu qui me parle.

En 40 ans, le monde du spectacle vivant a-t-il beaucoup changé ?
Il a changé, mais en mal, je trouve. J’ai eu la chance de connaître les années 80. Il y avait de l’argent dans la culture et pas les contraintes d’aujourd’hui. On n’avait pas besoin d’une licence pour créer un spectacle. C’était l’artisanat, la rencontre directe avec le public. Aujourd’hui, il faut de la communication, des webmasters, des clips, sinon on n’a pas de visibilité. C’est devenu plus important que les artistes. Je pense aussi que la part du théâtre s’est restreinte. Il est de plus en plus croisé avec d’autres disciplines. Il est supplanté par d’autres types de spectacles comme le stand up, qui casse la convention « j’accepte que ce soit vrai alors que je sais que c’est faux ». On parle de plus en plus de briser le 4e mur et pour moi, ça s’éloigne de la nature complexe du théâtre. Et je trouve qu’il y a moins le côté engagement. L’éducation populaire n’existe plus. Maintenant, on consomme.

A la place des jeunes, créeriez-vous une compagnie aujourd’hui ?
C’est très compliqué, voire impossible. A Avignon par exemple, en 1986, il devait y avoir 200 spectacles par jour. En 2000, c’était 1000 et aujourd’hui encore plus, avec des coûts délirants. Alors il faut de l’argent pour se faire remarquer, pour faire de la pub, il faut investir pour pouvoir  jouer ! Si tu commences aujourd’hui, tu n’as aucune chance d’être visible. Si tu es passionné, il faut y aller, mais en ayant en tête que c’est difficile. Et à mon avis, pour se former en France, il n’y a qu’une école, c’est le Théâtre national de Strasbourg. Je plains les jeunes car aujourd’hui, on ne fait plus le même métier et il faut faire d’autres boulots à côté, ce qui n’est pas un gage de réussite.

Quel est l’avenir proche pour Bacchhus ?
On voulait lever le pied, mais en un an, on a fait 4 créations : L’Incendiaire, Pessoa avec la chanteuse de fado Bevinda, Rosel, le monologue d’Harald Mueller que je voulais remonter avec la comédienne suisse Nathalie Boulin et les Lettres interdites entre Courbet et Mathilde. Alors maintenant, on va surtout tourner et essayer de se faire plaisir.

Recueilli par S.P.
En savoir +
compagnie-bacchus.org

L’Incendiaire
Parmi les créations du théâtre Bacchus, il y a Proudhon modèle Courbet et dernièrement Courbet/Mathilde, les lettres interdites. Entre les deux, en 2024, Jean Pétrement et sa troupe ont proposé L’Incendiaire, avec Marie-Christine Barrault et François Marthouret. Un autre focus sur un peintre franc-comtois qui a connu la gloire de son vivant, avant d’être éclipsé par l’arrivée des impressionnistes et de tomber dans un certain oubli. « Je ne savais pas trop comment l’aborder, mais la fin de sa vie, où il devient dépassé, avec des accès de violence, m’a parlé. C’est ce passage que j’ai voulu travailler » raconte Jean Pétrement. Pour l’anecdote, le peintre vésulien a gardé une certaine notoriété de l’autre côté de l’Atlantique. C’est une de ses peintures qui a donné à Ridley Scott l’idée de faire Gladiator. Il fait aussi référence au peintre dans son Napoléon.

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