Malgré un parcours semé d’obstacles, Margaux Zaninot garde le cap et tient à son projet : une ferme d’élevage et de vente directe, en conversion bio, à taille humaine, où elle veut que ses animaux s’épanouissent. Quarante hectares, des vaches, des brebis, des chèvres, mais aussi des chiens, des poules, des lapins : la ferme des Qu’abriole a commencé ses activités en 2022 à Cersot, en Saône-et-Loire. Sans que tout soit facile : « Je suis jeune, je suis une femme, je ne suis pas issue du monde agricole et je suis autiste. Et en plus je veux vendre en bio directement à la ferme. Je ne rentre pas trop dans les cases de l’agriculture locale. C’est un peu trop atypique pour les institutions qui préfèrent des grandes fermes avec des charolaises et des gros chiffres d’affaire. J’ai fait un BTS Acse à Fontaines. On nous parle beaucoup de ça et pas tellement de bio ! Mais je tiens au bien-être de mes animaux. Je produits mes propres céréales et je les élève à l’herbe, je n’achète rien à l’extérieur pour eux. Je veux zéro intrant et éviter les antibiotiques permanents. Je laisse aussi pousser les haies hautes pour la biodiversité ». Elle a aussi tenu à créer un troupeau mixte de brebis, avec des races diverses dont des rustiques.
Malgré tout, il lui en faut plus pour atténuer sa volonté. Laquelle est appuyée par ses parents. « Ils m’aident beaucoup, même s’ils ne sont pas non plus issus du monde agricole », souligne la jeune femme de 24 ans. Ce sont eux qui ont acheté la ferme, qu’elle devrait prochainement reprendre à son compte. « J’ai des périodes de grosse fatigue, alors c’est important qu’ils soient là ». Les effets de son trouble autistique avec hypersensibilité sensorielle ne lui rendent pas la vie facile.
Avoir une vie hors du travail
De ce côté-là aussi, elle s’active, engagée dans une démarche de sensibilisation à l’autisme, avec « beaucoup de communications » ou avec des animations à la ferme telles qu'elle en a organisé une le 12 avril. « Je veux développer le côté ferme pédagogique qui accueille des scolaires explique-t-elle. Déjà, je reçois un IME toutes les semaines. Je veux un lieu ouvert, qu’il y ait du dialogue, de la communication. Comme je ne viens pas du monde agricole, je sais que de l’extérieur, on ne se rend pas compte de la réalité de cette vie. Et souvent, les élèves ont soif d’apprendre en plus de ce qu’ils voient à l’école ».
Après ces deux années d’exercice, Margaux est toujours sûre de son fait. « Je me suis orientée dans ce domaine en partie parce qu’en étant autiste, les choix sont restreints. Là, je suis avec mes animaux, j’ai un lien très fort avec eux. Et je suis ma propre patronne, je gère mon emploi du temps comme je veux ». Des avantages qui compensent une activité qui reste « difficile ». « Agriculteur, c’est 365 jours par an, h 24. Parfois, il faut se lever la nuit pour les animaux. On n’a pas de week-end. Et on n’a pas de coupure avec le quotidien comme dans d’autres professions. On y pense tout le temps, on ne décroche jamais car on travaille avec du vivant. Sans compter les soucis financiers auxquels on pense en permanence ». Mais elle n’en fait pas une fatalité. « Je pense qu’on est une génération qui a besoin d’une vie à côté, d’avoir des amis, de sortir. Personnellement, je pense que c’est indispensable. A nous de réussir à gérer, et si ça rajoute de la fatigue, c’est aussi du bonheur. Moi je fais du théâtre une fois par semaine à l’Escale, au Creusot. C’est un copain autiste qui m’a proposé de venir et dès que j’ai essayé, j’ai adoré. On créé nos propres petites pièces, on rit, il y a une belle ambiance. J’en ai besoin, ça me remonte en énergie ! » Depuis 6 mois, elle fait également partie du conseil d’administration d’Info Jeunes. Encore une question d’engagement qui lui permet de porter la voix de ce qu’elle représente.
S.P.
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