mars 2022

Chroniques béninoises : au cœur d’une cérémonie vodou

En séjour professionnel au Bénin depuis le mois de novembre, Loïck Gutierrez profite de son temps libre pour découvrir la vie locale. Il a pu observer une pratique notoire, originaire de ce pays.
Photo Yves Petit

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Samedi 14 janvier. Jean-Yves Anézo, conservateur et guide conférencier au musée vodou de Strasbourg, est au Bénin depuis quelques jours. Je l’avais rencontré avant mon départ pour lui parler d’un documentaire que je souhaitais réaliser sur le vodou, et je m’apprête désormais à le rejoindre dans le petit village de Hotohoué, près de Klouékanmè, où il travaille depuis plusieurs années. Lui-même est initié au vodou et ce soir aura lieu la cérémonie de purification de son signe Fâ.
Avertissement préliminaire : ne vous laissez pas tromper par les clichés et les fantasmes qui circulent en Europe sur le vodou. Au Bénin, pas de poupées transpercées d’aiguilles, pas de zombies décharnés, pas de rituels sataniques. Le vodou est une religion polythéiste d’une grande richesse qui regroupe plusieurs cultes animistes originaires du Sud Bénin. Le Fâ en est incontestablement la clé de voûte. Il est la matrice originelle de toute chose, le système englobant dans lequel cohabitent les hommes, les vodous (les divinités), les ancêtres, les animaux et les végétaux ; il est le présent, le passé et le futur. Chaque vodounsi (adepte du vodou) possède un signe Fâ qui détermine sa place dans le cosmos et qui le lie à une divinité. Quant aux vodous, ils sont des émanations de la puissance du Fâ, des esprits divinisés qui habitent la nature. L’adepte initié aux mystères du vodou saura sentir leur présence, voire même les invoquer. Faites-leur des offrandes et ils vous aideront à régler vos problèmes. Mais gare à ne pas provoquer leur colère ou les conséquences pourraient être terribles !
A notre arrivée au village, il fait encore jour. Les femmes cuisinent la pâte (préparée avec de la farine de maïs et de l’eau) pour le repas tandis que les enfants s’amusent, dérangeant les biquettes et les poulets qui traînent dans le village. De l’intérieur de la maison du tailleur nous parvient les sons du roulement de sa Singer et les crachotements de la radio. Le bokono (prêtre de Fâ et devin) se repose à l’ombre avant le début de la cérémonie. Le hounon (le gardien des vodous) s’est absenté pour aller acheter certains ingrédients nécessaires aux rituels. Quant à Firmin, l’ami de Jean-Yves qui l’a guidé durant toutes ces années, il s’affaire pour trouver les différentes plantes qui seront utilisées lors de la cérémonie.
Il fait nuit, nous pouvons commencer. Nous devons d’abord procéder à la revitalisation du Legba de Jean-Yves. Legba est un peu l’Hermès du vodou : messager des dieux, divinité des chemins et des carrefours, fidèle allié du Fâ, on s’adresse à lui en premier lieu pour ouvrir les portes du monde des esprits. Nous nous approchons de trois petits tertres ornés d’un phallus métallique. Celui du milieu est le Legba attribué à Jean-Yves. A la lueur des lampes-torche de nos téléphones, le bokono et le hounon creusent un trou à la base du tertre, légèrement en biais, de sorte à trouver la zone située juste sous la motte de terre. Tout en prononçant des paroles rituelles, ils introduisent dans le trou plusieurs plantes savamment choisies desquelles le Legba tirera sa vitalité. Puis le trou est rebouché. Il faut désormais faire des offrandes au Legba pour s’assurer qu’il jouera bien son rôle d’entremetteur : un coqq dont le sang, force vitale, est transféré vers la divi-nité (la chair est réservée aux hommes). En guise de dernière offrande, Firmin verse de l’huile de palme sur les autels.
Nous procédons à présent à l’installation d’un nouvel autel de vodou. Au milieu du village, légèrement dissimulés par des plantes aromatiques, se dressent d’autres tertres similaires aux Legba, mais ceux-ci sont surmontés de toutes sortes d’objets métalliques (lames de couteaux, haches miniatures, rouages de machines, chaînes de vélo…) qui témoignent de la présence du vodou Gou, le dieu du fer.
Il est temps pour Jean-Yves de purifier son signe Fâ. Dans une des maisons, le bokono, le hounon, Jean-Yves, Firmin et quelques vodounsi (tous des hommes) s’assoient autour d’une grande bassine dans laquelle plusieurs feuilles sont mises à tremper. Avec quelques autres initiés, je reste un peu en retrait, à l’extérieur du cercle. Plusieurs étapes mettant en jeu différents objets liés à Fâ (le kpoli, petit sachet orné de cauris qui contient le signe Fâ de l’adepte, les noix de kola polies confiées à l’adepte lors de son initiation…) s’enchainent selon un ordre bien précis. Mais il me serait difficile de les décrire précisément en quelques lignes et je dois avouer que beaucoup de choses échappent encore au néophyte que je suis. Les objets sont consciencieusement nettoyés de leurs impuretés, puis deux vodounsi versent l’eau imprégnée des vertus purificatrices des plantes sur les pieds puis sur le crâne de Jean-Yves afin de le purifier. Pendant ce temps, tous les adeptes entonnent un rythme simple et entêtant en frappant des objets (cloches, bâtons) contre le sol ou en tapant dans leurs mains, et récitent en cœur les 16 grands signes du Fâ. Ces paroles rituelles performatives garantissent l’effectivité des actions entreprises lors de la cérémonie. Les mêmes gestes sont répétés, encore et encore, le même rythme résonne dans la pièce, encore et encore, des adeptes plongent dans une douce léthargie ou dans un enthousiasme survolté. Je serais incapable de dire combien de temps nous sommes restés là. Finalement, la musique s’arrête d’un coup.
La cérémonie se termine par le sacrifice d'une chèvre puis nous retournons vers le Legba pour refermer les portes du monde des esprits, et clore la cérémonie. Il est une heure du matin, il fait nuit noire. Le rituel de purification est terminé. Le calme retombe doucement sur le village.
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