Le GPS vous plante devant un mur sans indication, dans une impasse, entre garage et concessions automobiles. Les Ateliers Lina Khei se situent en toute discrétion dans un ancien entrepôt réhabilité en 2021, à Sainte-Suzanne, Pays de Montbéliard. Une discrétion à l’image de la créatrice des lieux. Elle accueille visage masqué, casquette surmontée d’un casque audio, blouson noir. « Là je suis habillée chill dit-elle, mais en intervention artistique, je suis encore plus couverte, par exemple avec des vêtements créés pour me fondre dans les œuvres que j’expose ». Un camouflage qui est autant un geste artistique, qu’un trait de personnalité. « Je suis quelqu’un d’assez introvertie. Et ce qui compte, c’est les œuvres. »
On ne saura pas son âge, ni son vrai nom. Seulement Lina Khei. Un pseudo d’artiste à la réputation internationale : ces dernières années, ses œuvres ont circulé à Paris, Genève, New York ou Barcelone et son nom est apparu dans divers magazines d’art contemporain. Elle aborde plusieurs facettes de l’art dans une démarche d’avant-garde : peinture, sculpture, couture, technologies numériques, street art, souvent associés.
Sa dernière idée s’appelle Animo. Autour de la création d’un siège connecté qui permet de générer des œuvres artistiques uniques à partir des émotions d’une personne, elle a agrégé les savoir-faire de l’UTBM, de l’Ecole Boudard, du lycée Bonaparte (Autun) avec le soutien de Pays de Montbéliard Agglomération. Le concept a déjà fait un tabac lors de la Paris fashion week et au Laval Virtual.
Cette idée, elle l’a eue très tôt et ce sont les possibilités offertes par les nouvelles technologies qui lui ont permis de la développer récemment. Intéressée depuis toute petite par la création artistique, elle a commencé par faire des croquis, de la couture, des bijoux, de manière autodidacte. « J’ai fini ma scolarité par correspondance car je n’étais pas à l’aise avec le contact social. J’ai créé, j’ai appris à me servir de logiciels de graphisme de mon côté. L’autodidactisme, c’est des heures et des heures et des heures de travail, mais ça apporte la persévérance et la réflexion. »
Professionnellement, elle a commencé à travailler dans le cinéma, comme maquilleuse, en créant parallèlement ses premières « vraies » œuvres. « Rapidement, j’ai été repérée par la galerie d’art Perrin. Ce sont les premiers qui m’ont appelée « artiste ». Puis il y eu une galerie à New York, Genève, ma première expo à Mads Milano, le Carroussel du Louvre, ça s’est enchaîné ».
Partage de connaissances
Parallèlement à sa carrière artistique, elle a développé une deuxième expertise depuis son retour dans le Pays de Montbéliard, d’où elle est originaire, en 2020. « A l’époque, avec la pandémie Covid, tout s’arrête, alors je reviens ici et je fonde les Ateliers Lina Khei, en particulier autour de l’art thérapie. Puis en voyant le flux de jeunesse perdue et pourtant hyperconnectée, j’ai voulu développer des projets d’insertion et d’ouverture à travers la création ».
Les Ateliers Lina Khei se présentent comme des incubateurs d’actions ouverts à tous. A l’intérieur, des jeunes s’activent sur différents projets, dans une ambiance détendue et enthousiaste. Elle espère leur transmettre des notions qui lui ont servi : l’autodidactisme « qui fait partie de la jeunesse », le travail en synergie, le partenariat dont son parcours lui a montré l’importance. « Ces jeunes que j’accompagne ont de l’énergie qu’il faut orienter. Mais c’est un échange et ils m’apportent aussi beaucoup » assure-telle.
Au sein des Ateliers, Lina Khei a créé ACI, un programme de formation professionnelle certifié (1). « Je me suis lancée bénévolement, avec mes fonds d’investissement propres » dit l’artiste, qui a appris à solliciter les institutions pour l’aider dans ses projets. « En ce moment, j’essaie de travailler avec Numerica pour avoir plus d’espace ». Au départ, elle a été soutenue par Pays de Montbéliard Agglomération, dans le cadre de la capitale française de la culture. « Son dyamisme est avéré, réel, elle est hyperactive décrit Emmanuel Oudot, directeur de la Culture et du Patrimoine à PMA. Avec elle, ça fuse, ça n’arrête pas, c’est souvent très intéressant. Et c’est quelqu’un qui a un grand talent. Il faut souligner son implication auprès des jeunes et la dimension sociale de son approche ». L’intéressée insiste également sur l’aspect éthique, par exemple à travers l’utilisation de matériaux recyclés dans la création artistique. « Je veux monter des projets pérennes et qui aient du sens ».
S.P.
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